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qu’il faut déterminer (Cf. thème, ïbid., 83-84). Un tel
argument est même superflu pour affermir des fidèles dans
la pratique du bien ; l’évidence est telle que la mémoire
ne peut en être distraite si l’on croit réellement. Mais ce
même raisonnement est absolument sans force pour
persuader de la vérité d’une religion. Car il ne s’agit point
de voir s’il y a lieu de désirer qu’elle soit vraie : ce qu’il
faut voir, c’est si l’on peut la reconnoître pour telle. Il
est incomparablement plus avantageux que la religion
soit vraie, et que nous la suivions ; nul ne contestera
cela. Fût-elle fausse même, il seroit plus consolant de la
croire : l’immense avantage de ses promesses n’existeroit
plus ; cependant nous aurions eu du moins celui de
supporter facilement dans cette attente, les iniquités de la
vie. Mais le désir d’être convaincu, ne fait point qu’on le
soit. Ne vous attachez donc plus à nous prouver que dans
la vie sociale telle qu’elle est, chacun en particulier
auroit intérêt à croire. On vous accorde cela, et même il
y auroit de la mauvaise foi à le contester. Mais ce dont
il faut que vous vous occupiez, c’est de nous donner le
pouvoir de croire. Établissez la vérité, l’incontestable
vérité des choses que vous annoncez. Elles sont belles
sans doute, elles sont morales et poétiques, mystérieuses
et pittoresques. Mais ce n’est pas du tout de cela qu’il

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s’agit : prouvez | qu’elles sont vraies. Pour plaire aux
hommes, c’est beaucoup de les amuser ou de les intéresser ;
mais pour en faire des croyans, il faudroit tout
autre chose. Les défenseurs de la foi forment une sorte de
corps qui depuis plusieurs siècles, subsiste nombreux et
instruit : il seroit surprenant qu’au milieu de l’incertitude
humaine en général, et surtout au milieu de l’impénétrabilité
des choses mystérieuses et de l’obscurité des époques
juives, l’Église militante ne fût point parvenue à soutenir