Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/83

Cette page n’a pas encore été corrigée

85

L’énergie ne sauroit être soutenue, si elle ne s’exerce
sur des objets variés ou sur un objet inépuisable. Les
recherches du goût et les inventions du luxe ont à la
vérité multiplié et varié presqu’à l’infini les moyens du

[84]

plaisir ; | mais le plaisir lui-même est nécessairement resté

90

monotone et limité dans l’impression que nous en recevons,
qui seule constitue son essence ; car pour que cette
impression soit douce, il faut qu’elle soit ou préparée par un
besoin réel, ou embellie par les illusions de la nouveauté.
Ces derniers moyens sont bientôt épuisés sans retour ; et

95

le plaisir restreint alors aux besoins primitifs, borné et
instantané comme eux [S 1], ne sauroit, malgré la séduction
extérieure de sa durée, remplir jamais les longues heures
de la vie.


    cience de la nôtre propre. Content de soi, on l’est facilement des
    15
    choses ; mécontent de soi, on l’est bientôt de l’univers.
    L’homme qui pense a besoin de s’estimer soi-même ; cette
    estime est en lui la source de tout bien. Toutes ses vertus, toute
    sa félicité naissent de son énergie.

  1. Car il ne s’agit point ici de la situation la plus convenable
    qui, relative à tous les instans de la vie, donneroit la véritable
    félicité ; mais de ce que l’on nomme habituellement plaisir, de
    ces jouissances vives, et dès-lors rapides et rares, que l’on substitue
    5
    à la félicité, qui ne la peuvent remplacer, et qui même, si on
    les préfère inconsidérément, la détruisent pour jamais. Il y a pour
    toutes choses une mesure qui ne peut être passée. Si vous pressez
    sur un point les jouissances disposées pour l’étendue de la vie,
    vous livrez ses autres parties au vide ou à la douleur ; et des
    10
    voluptés immodérées seront compensées par les regrets, l’ennui,
    la satiété.

    nous en donne à nous-mêmes. Avec cette opinion de soi, l’on peut être content des choses ; mais quand on est mécontent de soi, l’on est porté à l’être de tout ce qui arrive. – 16-8 manquent. – 85-6 manquent. – 86. *Les recherches – 88-9. ont multiplié les moyens de jouissance. Mais le plaisir est – 90-2. limité : c’est l’impression que nous recevons qui seule constitue le plaisir ; pour qu’elle soit – 95-105. primitifs et momentané comme eux, ne sauroit occuper les longues heures d’une âme dont le calme est perdu.