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Il faut à l’homme un exercice constant mais modéré de
toutes ses facultés ; l’excès du travail le détruit, l’excès de
l’inaction le rend malheureux ; tous deux sont funestes :
mais, parmi nous, l’excès du repos est plus funeste encore
qu’un travail immodéré. Trop inquiets, nous avons besoin

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d’être toujours occupés. Il faut que tout notre être soit
actif comme notre imagination ; nos heures soumises
à son avidité, nous paroissent vides et stériles si une

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cons|tante diversion n’occupe leur durée remplie et
fécondée [S 1]

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  1. De plus il y a dans l’inaction une sorte de nullité dont le
    sentiment est pénible ; l’emploi du tems nous le rend agréable,
    en produisant de sa durée un résultat moins passager qu’elle, et
    que nous croyons utile sans ce produit qui la perpétue en quelque
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    sorte, cette durée ne seroit qu’un obstacle qui différeroit ce que
    nous desirons, et dont notre impatience s’irriteroit car nous
    attendons toujours quelque chose, nous voulons que les heures
    se hâtent ; si l’intervalle est rempli, nous n’y songeons pas ; s’il
    est vide, sa durée nous fatigue et nous accable. Nous mettons
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    toujours à ce qui nous occupe une sorte d’importance ; ne fût-ce
    qu’un délassement, nous y trouvons du moins cette utilité :
    en-sorte que de cela seul que nous sommes dans l’activité, nous
    reconnoissons à nos jours une valeur qui nous mène à la cons-
  1. C, XIVe Rêv., p. 85-93 = l. 75-236 et notes 4-8. – 76-8. l’excès contraire le rend malheureux. Je crois que parmi nous – 79. travail trop continu. Toujours inquiets – 81-2. soumises à l’avidité de l’espoir, nous paroissent stériles – 83. n’en occupe la durée – N. 4, l. 1-10. L’emploi du temps en dissimule la perte continuelle, et nous fait aimer nos momens en produisant de cette durée passagère un résultat plus durable, et que nous croyons utile. Mais le temps consumé dans l’inaction, ne laisse point de traces : il tombe trop visiblement, et nous voyons à découvert le néant de nos heures et le néant de notre être. *Sans doute le temps le plus occupé produit rarement ce que nous en attendions ; mais enfin il produit quelque chose, et dans nos vues insatiables nous trouvons le moyen d’attacher d’autres désirs à ces résultats accidentels. Mais le temps qui passe sans rien préparer, n’est plus qu’un obstacle à ce que nous désirons, c’est un intervalle dont notre impatience s’irrite. *Toujours nous attendons quelque chose ; nous voulons toujours que les heures se hâtent nous mettons à ce – 10-3 importance ; et il suffit que nous soyons dans l’activité pour que nous reconnoissions à nos –13-5. qui