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Dans le silence de ses soirées vaporeuses, n’as-tu pas

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connu une justice plus naturelle, senti plus d’impassibilité
philosophique, et pénétré dans une profondeur plus
sublime ?
Automne ! saison des cœurs sensibles et des cœurs infortunés,
tu es encore la saison du sage, tu imprimes à nos

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ames ce caractère précieux de calme et d’indifférence, base
nécessaire de toute justice et de toute vérité ; tu disposes
à penser et à sentir en sage. Tu es encore la saison de cet
homme simple qui, loin de l’ivresse et de l’amertume des
villes, cultive son antique héritage dans les mœurs patriarchales 300
et la paix domestique. Tu payes ses travaux naturels,
tu rassembles sous son toit vénérable les dons de la
féconde nature, tu assures son existence durant le stérile
hiver, tu le rappelles à son humble foyer. Là, près des

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siens, il va goûter des joies cham | pêtres inconnues aux

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hommes moins simples que lui ; c’est-là que tu prépares
son repos ; et pour combler ses derniers vœux, tu lui souris
jusques sous les frimats que tu suspends comme pour
lui promettre et lui montrer déjà le printemps
réparateur.

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Douce automne ! c’est toi que la nature a destinée au
soutien, à la consolation, aux délices des victimes sociales
qui vivent encore pour elle. Tu la fais aimer, tu ramènes
à ses lois oubliées, tu es touchante comme le soir d’un


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    289. des soirées d’octobre n’as-tu – 292. sublime ? Automne ! – 298-300. qui, bon ami, bon époux, bon père, cultive son héritage antique dans l’innocence patriarchale et – 303-4. foyer. C’est là qu’auprès de sa compagne aimée et de ses enfans aimés comme elle, il

  1. C, VIIIe Rêv., p. 44 sq. = l. 294-313. – 294-5. * L’automne est encore la – sage : elle imprime à nos âmes un caractère de – 296-313. justice ; elle semble indiquer les vérités morales ; elle nous sépare de l’inutile sollicitude des passions, elle éteint le désir puéril, elle ramène aux lois oubliées.