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encore. Automne ! doux soir de l’année, tu soulages nos
cœurs attendris et pacifiés, tu portes avec nous le fardeau

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de la vie !
Toi seule fais oublier et les plaisirs du printemps et la
splendeur des étés. Cet espoir séduisant, ce charme nouveau,
tout ce délire expansif des premiers beaux jours ne
valent pas, ô automne ! ta simple et paisible volupté. Ces

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nuits éclairées du solstice, cette durée des jours, cette
profusion et de vie et de lumière, l’été dans sa puissance
et toute sa splendeur, ne vaut pas, ô automne ! la simplicité
de tes dons, cette douce température, ce silence ineffable
et des cieux calmés et de la terre mûrie et reposée.

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Que le jeune cœur, avide d’amours et d’illusions, se livre
dans son enthousiasme aux erreurs du printemps, je ne
veux pas le détromper : l’ombre du bonheur s’est retirée
sous le voile ; il ignore la vie et s’ignore lui-même ; qu’il
jouisse longtems : pour moi je t’aime, douce et mélanco|lique

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automne ! tu es douteuse et fugitive comme la
vie de l’homme. Si belle encore, et pourtant si voisine
des frimats nébuleux, tu apprends à son cœur détrompé,
que du moins le présent peut s’écouler doucement dans
l’oubli des maujx que-là crainte anticipe.

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Le renouvellement de l’année agite nos cœurs de desirs
immodérés et d’affections indicibles. L’homme froid peut


    244. cœurs soumis et le surprenant fardeau – 246-50. *Nos cœurs ardens, mais fatigués, préfèrent aux puissantes promesses de l’été, la paix de l’automne et sa physionomie calme quoiqu-un peu douloureuse. Les nuits éclairées, la durée – 251. profusion de – 251-4. l’été dans toute sa splendeur, n’intéresse pas comme l’automne en sa simplicité. Il y a une harmonie plus profonde dans cette température affoiblie, dans ce silence des cieux – 254-6. reposée. * Les âmes avides se livrent dans leur enthousiasme – 256-7. printemps car l’ombre – 258-60. sous ce voile ; qu’elles ignorent la vie, qu’elles jouissent long-temps ! Mais la tranquille automne est la saison de l’homme fait : elle est douteuse – 260-77. comme les choses de la terre, paisible enfin, mais voisine des frimas,