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simple besoin de jouir, qui étoit primitivement très-
limité, comme l’étoit le besoin d’être mu, borné lui-même
dans les limites naturelles du besoin d’être conservé.
De ces sources découlent toutes les passions appétentes ;
elles ne sont que les expressions diverses de cette extension

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du besoin d’être actif, extension que nécessairement
l’on cherche à diriger dans des voies heureuses ou
spécieuses.
Dans les passions appétentes sont compris tout desir,
toute ardeur, tout amour ; la joie, l’enthousiasme, l’orgueil, 110
l’ambition, la volupté, le goût des arts, le desir de

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la science, le besoin de penser, la générosité, l’audace, la
confiance, le fanatisme, l’amour des prestiges séducteurs,
des rêves immortels, toutes les illusions heureuses ; et
jusqu’à la passion des liqueurs spiritueuses, de ces moyens

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enivrans qui rendent à l’imagination tout le charme de
son délire, et aux sensations cette force victorieuse de
toute considération réprimante.
De ces mêmes sources découlent indirectement les passions
repoussantes et en quelque sorte négatives ; c’est

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du besoin de n’être pas réprimé dans notre activité et de
nous y livrer sans souffrir, que viennent nos haines, nos
craintes, nos antipathies, l’envie, la colère, la cruauté, la
défiance, la pusillanimité, l’égoïsme, la lésinerie, l’avarice,
l’indifférence à tout ce qui ne nous est pas personnel, et

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l’indolence pour tout ce qui n’est pas indispensable.


    101. mu, lequel était borné – 103. passions actives – 105. besoin d’agir, extension – 108. L’affection active comprend tout – 115-6. moyens factices qui peuvent rendre pour un moment à l’imagination le charme du premier délire – la force qui les faisoit vaincre toute – 120. du desir de – activité, c’est du besoin de – 122. la colère, l’égoïsme, la cruauté – 123-4. pusillanimité, l’indifférence pour tout ce qui n’est – 125. l’indolence dans tout.