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- de leur véritable estimation. Ainsi, l’œil voit d’abord les
- objets placés près de lui, mille fois plus grands [S 1] que les
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- mêmes objets reculés à une grande distance ; il ne les
- juge semblables que quand un nombre d’épreuves l’a fait
- parvenir à voir moins partiellement [S 2].
[35]
- L’homme doit se borner à estimer les différences des
- choses dans leurs seuls rapports à son individu : alors il
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- ne peut les sentir que d’une manière bonne, c’est-à-dire,
- convenable à sa conservation, en tant que partie nécessaire
- de la permanence du grand tout. Mais dès qu’il veut
- estimer les relations générales des choses, il manque de
- données. Nécessairement borné dans une sphère trop limi-
- ↑
- Dans tout ce qu’il considère, l’homme se met toujours au
- centre et juge ainsi toujours mal. Tout ce qui est de sa ville ou
- de son siècle est plus grand, plus singulier, plus beau, plus odieux
- que ce qui appartient à d’autres tems ou à d’autres lieux. C’est
- toujours l’arbre de trente pieds qui, près de sa maison, lui cache
- la montagne élevée de deux mille toises à l’horizon. Il est bon
- de sentir ainsi quand on veut n’être que soi ; mais dès que l’on
- prétend étudier les choses sous d’autres rapports, il faut dépouiller
- son être, et juger comme si l’on n’étoit d’aucun lieu, d’aucun
- âge, d’aucune espèce.
- ↑
- C’est le propre d’une extrême ignorance de n’être étonné
- de rien : d’une ignorance qui commence à se connoître d’être
- étonné de tout ; d’une fausse science de ne l’être plus ; d’une
- science plus vraie de l’être souvent, et d’une haute sagesse de ne
- plus pouvoir l’être. Ainsi se modifient les jugemens de l’homme,
- depuis l’instinct inepte d’animalité jusqu’à la raison du sage.
- L’homme stupide n’est étonné de rien, non parce qu’il ignore la
- raison des choses, mais parce qu’il ne soupçonne pas qu’il en soit
- une à connoître, et le vrai sage ne sauroit l’être, non pas qu’il
- connoisse toutes les parties de la nature, mais parce qu’il sait pressentir
- son ensemble et douter dans ses détails.
- ↑ C, XVIIIe Rêv., p. 110 = lignes 278-296. – 278. Quand l’homme se borne – 279-80. entre les choses dans les seuls rapports qu’elles ont avec son individu, il peut les sentir d’une – 281. favorable à – 281-2. partie du – 282-3. veut supputer les rapports généraux entre les êtres, il – 284-7. restreint dans une sphère limitée, il jugera toujours fausse-