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- l’autre : leurs têtes étoient baissées, et leurs yeux fixés
- dans les touffes rougeâtres de la bruyère où elles cherchoient,
- avec plus de constance que de succès, quelques
- brins arides d’une herbe jaunie. C’étoient les seuls êtres
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- animés qui respirassent dans ces landes, et leur immobilité
- sembloit craindre d’en troubler la paix silencieuse. Le
- soleil, sans nuage, éclairoit d’une manière fixe la contrée
- vaste et déserte. Seulement, de tems à autre, l’on entendoit
- dans les bruyères le bêlement de la brebis plaintive.
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- Ce grand calme ajoutoit à cette étendue solitaire, son
- ciel sembloit plus profond, plus illimité, sa terre plus
- abandonnée.
- Plusieurs de ces collines lointaines, à divers points de
- l’horizon, ramenoient des souvenirs douloureux et des
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- regrets inénarrables. J’étois agité dans ce calme général,
- et je l’étois seul ; nul homme ne s’y étoit retiré pour y
- penser librement, pour y souffrir ignoré.
- Avide de pensers sublimes et d’émotions extrêmes, mon
- idée, perdue dans le vague de l’essence primitive des
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- êtres, sondoit, dans sa démence, d’inexplicables et douloureuses
- profondeurs. Qu’en cet instant suprême les
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- vicissitudes humaines, et la succession nécessaire et des
- choses et des tems, me sembloient imposantes ! que cette
- nature en son universalité étoit belle à ma pensée, et la
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- vie de l’homme misérable à mon cœur !……
- Triste et indéfinissable opposition du tout permanent et
- sublime à l’individu souffrant et mortel ! Que m’importe
- cette beauté que je n’admire qu’un jour, cet ordre dans
- lequel je ne serai plus rien, cette régénération qui
- vie de l’homme misérable à mon cœur !……
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- m’efface ?