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SOMMAIRE

DE LA HUITIÈME RÊVERIE


Moments d’une température heureuse qui, au sein des frimats,
vers le solstice d’hiver, semblent participer de la douceur de

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l’automne et du renouvellement du printemps. De la Violette, des
lieux qu’elle aime et des hommes qu’elle intéresse. Vallon
solitaire.
Quand le cœur s’ouvre aux passions, il s’ouvre à l’ennui de la
vie. Comment l’homme est devenu malheureux par ses desirs

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mêmes. Agitation sans objet fixe, besoin d’une passion plus
déterminée ; effet de ce besoin sur une ame forte. Contradiction entre
les grands projets du génie et sa destinée mortelle. La nécessité
entraîne seule l’univers. Abandonner cette prolongation
d’existence qui est impossible et contradictoire, et user de la vie rapide,

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sans vouloir étendre vainement son être, mais sans souffrir qu’il
soit comprimé. S’élever aux vues générales, aux conceptions
indépendantes.

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Vie de l’homme. Vanité et incertitude de ses causes, de sa
destination, de ses biens, de ses vertus. Vanité de tout son être

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considéré dans le système des moralistes. Animé par le seul intérêt
personnel, soutenu par la seule illusion, il n’est réellement
entraîné que par le cours mécanique de l’univers.
Ce n’est point dans l’histoire de quelques générations que l’on
peut lire ce qui convient vraiment à l’homme ; il faudroit plutôt

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consulter ce qui est resté dans nous à la nature.
Il faut des sensations profondes aux hommes organisés pour
sentir profondément ; ils sont fréquemment réduits à l’état de
suspension et d’apathie. Nous souffrons nécessairement, nous ne
sommes point selon notre nature, lorsqu’il y a opposition entre

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les objets du dehors et notre situation intérieure. Dans des lieux
sauvages le solitaire trouve des moteurs dans les objets inanimés.
Les pins renversés, le vent des montagnes, la feuille détachée d’un
hêtre, le roc miné par l’effort séculaire des frimats, de la végétation
et des ondes ; le silence ou le mouvement, la vie ou les

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ruines, tout l’entraîne et le modifie ; il n’existe plus individuellement
et isolé ; mais il participe de la situation et des altérations
de tout ce qui l’entoure.