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cable succession des tems sans bornes, il ne subsiste nulle
ombre même, ni du vain bruit de la vague agitée, ni
de la vaine gloire de l’homme passionné.
Instituteurs des peuples, quand vous les dirigerez pour
eux et non pour vous, donnez à chaque homme un sort

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constant, donnez à tous un sort semblable, afin qu’ils
puissent se livrer doucement à la succession de leur être,
et attendre en paix ce que la nature des choses pourra
mettre de différence inévitable entre leurs tranquilles
destinées.

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Que la vie de l’homme ne soit modifiée que selon les
différences que la nature y a mis. Le mouvement est

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nécessaire [S 1] comme le | repos à la conservation de
l’animal ; ces deux besoins partagent sa vie et se maintiennent
par leur opposition pendant toute sa durée. La jeunesse

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cherche l’action, la vieillesse penche vers le repos. Jeune,
l’homme cherche les plaisirs ; il desire : vieux, il évite les
maux ; il craint. L’un étend, l’autre resserre son être.
L’un voudroit tout atteindre, tout posséder, tout identifier
à lui-même ; l’autre s’estime heureux s’il peut tout

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fuir, être indépendant de tout, et se circonscrire tellement
qu’il ne donne nulle prise aux douleurs. Le jeune homme
est tout impatience, tout action, tout desir. Le vieillard,
froid, détrompé, ne veut que repos et sécurité. Au milieu
de la vie ces deux impulsions se trouvent dans une sorte


  1. Ces besoins opposés semblent résulter immédiatement de la
    double nature de tout être organisé. Voyez la treizième Rêverie.

    jamais cette existence tumultueuse ; et dans – 45. temps, il – 46. trace même – 46-7. vague émue, ni des vains succès de – 50. sort presque semblable ; qu’ils – 53. ces tranquilles – 56. mises – 59. l’opposition – 61. l’homme veut les plaisirs ; il espère : vieux, – 65. voudroit tout posséder – 68-70. que de la sécurité. Ces deux impulsions se trouvent