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produit ; l’existence d’un insecte est liée, comme cause et
comme effet, à la conservation des mondes. La nature est
une œuvre unique, composée d’opérations multiples ;

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elle fait un tout parfait par l’opposition de ses élémens,
comme son foible imitateur, l’artiste humain, construit
un édifice symétrique par la ressemblance de ses parties.
Illimitée, elle produit l’harmonie par l’opposition des contraires ;

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bornés, nous cherchons l’accord de l’ensemble | par

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l’union des semblables : voilà sans doute la différence
caractéristique entre ses opérations sublimes et nos puérils
essais. La perfection de l’art humain est de parvenir par
un seul moyen à un effet complexe ; celle de la nature, de
rapporter à un effet unique, mais général, une incalculable

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multitude d’efforts dirigés dans deux voies
contraires.
Si l’essence du feu élémentaire est le mouvement,
j’admettrois par cette seule raison un autre élément, dont
l’essence seroit de n’être point mu par lui-même.

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Mouvement et vie sont synonymes [S 1], dit-on ; je le croirois
ainsi ; je croirois encore que tout composé est organisé,
et que tout corps organisé est sensible ; mais je ne
saurois concevoir que vie et existence soient synonymes ;
au contraire, j’imagine sans peine un atôme élémentaire

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absolument inactif, comme, malgré Berkeley, je conçois

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aussi qu’il puisse exister [S 2] sans être connu d’aucune
intelligence. Si jamais le génie des Becker ou des Staalh
parvenoit, par les décompositions de la chimie, au feu
élémentaire, il ne le pourroit employer parce qu’il ne pour-
  1. Feu, mouvement et vie sont synonymes, voilà l’élément
    principe. Ils sont dans tout être organisé, et y produisent la
    sensibilité. Tout être organisé est nécessairement composé, tout
    composé réunit nécessairement les deux élémens le mouvement,
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    la vie, la sensibilité appartiennent donc à tout composé.
  2. Voyez second Entretien d’Hylas et de Philonoüs.