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Chaos, que la matière inerte ; enfin le Dieu de Newton,
toute action, sentiment, intelligence, et le Dieu des Chrétiens,
par-tout présent et par-tout actif, ne sont que l’ame
universelle. On ne peut expliquer que par-là les ames
humaines, et le principe général qui anime les êtres

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organisés. Rien ne pouvant périr dans la nature, il faut qu’à
la mort, le principe de notre intelligence se dissolve et
se réunisse au principe universel dont il est une émanation,
comme notre corps se décompose et disperse ses
parties qui servent de nouveau à l’organisation des êtres

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corporels [S 1]. Platon fait de l’ame humaine une partie de
la divinité à laquelle elle va se rejoindre quand elle
abandonne le corps qui se rejoint de même à la matière
corporelle ; et cette religion qui doit tant au Platonisme,
n’envoie-t-elle pas au sein de la divinité les ames que le

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crime n’a pas fait dégénérer ?
Les deux ames que Bacon, Buffon et tant d’autres

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reconnoissent dans l’homme, s’expli|queroient parfaitement
dans ce principe. Quant aux trois ames de Platon,
elles se réduisent naturellement à deux.

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On a dit : il n’existe point de biens ; ce que nous nommons
ainsi n’est que l’absence du mal. On a dit : le mal
n’est point, il ne faut entendre par ce mot que la négation
du bien.
Sans doute il est des maux qui ne sont que la privation

85 des biens ; et quelquefois la jouissance n’est autre

chose que ce bien-être qui résulte de l’absence de la
douleur, et dont on ne jouit que par comparaison ; mais on
ne sauroit mettre dans cette classe tous les biens et tous
  1. Je conserve toujours au mot corporel la même acception.
    Je suppose que le principe actif est incorporel sans être immatériel,
    et que la substance intelligente est de la matière sans être
    un corps ; ainsi le pensoient tous les anciens.