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jugeons, ou dans les rapports métaphysiques que nous
supposons, que la couleur dans l’objet que nous voyons,

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ou dans le milieu qui nous la transmet ; et après avoir en
notre grandeur fantastique, fondé les opinions humaines ;

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et aveugle mortel, osé dire aux mortels aveugles | comme
nous : ici est la lumière et là sont les ténèbres, redescendons
à notre propre foiblesse, sentons le besoin d’être

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soutenus plus encore que celui d’être éclairés, embrasons
notre ame par l’enthousiasme des conceptions élevées,
et soutenons à cette hauteur notre volonté pour les
vertus mâles ; nous désirerons alors l’immortalité sans

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l’approfondir, et l’inef|fable espérance, ne fût-elle qu’un

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rêve, consolera nos douleurs, affermira nos volontés
abattues, et ranimera, dans nos cœurs flétris, la passion
du bien et la sécurité d’une philosophie sublime et
impassible.
S’il se trouvoit que l’immortalité fût chimérique, et que
cette erreur pourtant fût bonne parmi nous, ce seroit
une grande preuve, ajoutée à tant d’autres, que nous
sommes hors des véritables voies.
En seroit-il de même de notre liberté ? Que de subti-


    des rapports apparens ; mais il ne peut percevoir tous les rapports d’une chose avec toutes les autres, puisqu’il y a plusieurs de ces autres choses dont l’homme ne sait point l’existence. Oserons-nous dire aux – 478-88. ténèbres ? Souvenons-nous de notre foiblesse. Si nous avons le désir d’être éclairés, nous avons aussi le besoin d’être soutenus. L’habitude des conceptions élevées et des vertus mâles fait désirer l’immortalité. Désirons qu’elle soit, mais sans l’affirmer ; cette espérance diminuera nos douleurs, affermira nos volontés, et maintiendra dans nos cœurs flétris une partie désirable de cette sécurité entière à laquelle nous voudrions aspirer, de cette impassibilité, promesse trop hardie de la philosophie. *C’est à l’extrême foiblesse de notre pensée, c’est à l’impénétrabilité des choses que nous sommes obligés de recourir si nous voulons espérer l’immortalité, objet sublime, mais trop incertain des vœux de toute ame noble. Ici s’insère la n. 13, voir p. 179. – 490. pourtant la croyance de l’immobilité fût – 491. une preuve ajoutée à plusieurs autres, – 492. ne sommes point dans les véritables