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substance grossière, passive, incapable par elle-même de
mouvement et de vie. Mais s’il existe une matière

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subtile et active, principe de mouvement, d’organisation et
de vie, agent universel de la nature, un feu élémentaire,
tel que nous en pouvons concevoir une idée imparfaite
d’après la subtilité et la surprenante activité de la lumière ;

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alors nous supposerons | sans peine que le principe qui

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meut la nature est aussi celui qui nous anime, et nous
aurons levé les principales difficultés : celle entre autres
de la différence entre la raison de l’homme et celle des
autres êtres animés, différence inexplicable dans le
système de la spiritualité ; car, l’instinct des animaux opère

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les fonctions de notre ame, et si nous voyons notre
raison s’élever à un degré supérieur à celle de l’éléphant
et du chien, du moins la conformité de leurs opérations
plus ou moins parfaites n’annonce nullement une nature
essentiellement différente, comme la prodigieuse distance

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qui est entre l’intelligence de Platon et celle du plus
stupide des hommes, ne nous fera pas penser pour cela
qu’elles soient d’un ordre distinct.
Thalès définissoit l’ame, une nature sans repos ; et
Zénon un feu céleste : on peut voir dans la réunion de

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ces deux opinions, le feu principe ; et dans le feu principe,
l’ame universelle, système si général chez les anciens,
et qui paroît être plus qu’une hypothèse.
La pensée elle-même paroît n’être qu’une modification
de la sensibilité ; elle en est du moins une suite : nous pensons

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parce que nous avons senti ; et pourquoi la sensibilité

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ne se|roit-elle pas commune aux composés organiques,
animés et végétans, et même à tout corps organisé, c’est-
à-dire peut-être à tout composé ?
Pour expliquer deux effets, la sensibilité et la pensée,

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il n’étoit pas nécessaire d’imaginer deux principes distincts,