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- dixième de sa population ; et c’est la majorité de ce dixième
- qui exprime le consentement unanime de la nation. Il en
- est bien autrement encore quand cette prétendue majorité
- ne pouvant agir directement, n’exerce sa puissance
- législative que par ses représentans, dont l’élection même
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- concentre encore de près de moitié ce que l’on appelle
- la volonté générale. C’est ainsi que les états puissans,
- réduits à un petit nombre de citoyens, dont toutes les
- voies de corruption entraînent alors plus facilement la
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- volonté et même l’opinion, voyent | s’évanouir cette
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- liberté politique dont le droit les trompe et dont ils
- montrent avec un si puéril enthousiasme la pompeuse et
- vaine image. C’est ainsi que l’Orient, fatigué d’une lutte
- sans objet, dut s’endormir sous le joug dans les tems
- antiques où son luxe croissant étouffa la liberté dans les
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- cœurs amollis, et c’est ainsi que la terre entière, asservie
- par ses mœurs factices, devint le déplorable jouet des
- imposteurs et des despotes.
- Tout pays policé renferme deux classes d’hommes.
- L’une s’instruit et raisonne, l’autre vit dans l’inscience.
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- La première sera toujours estimée par cela seul qu’il est
- de sa nature de mépriser l’autre. Elle dominera toujours ;
- elle a pour cela des moyens irrésistibles, du moins dans
- leur durée. Si la seconde, qui ne conserve d’autre avantage
- que la force directe, parvient à s’élever un moment,
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- elle se lassera bientôt elle-même des caprices et dès inepties
- de son autorité dans un ordre de choses étranger à ses
- besoins, et qu’elle ne connoissoit que par d’envieux
- desirs. Elle ne sauroit tarder de se livrer à l’adresse des
- factieux, pour qui elle va s’enthousiasmer parce que son
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- inexpérience a besoin d’être guidée, et qui bientôt forts
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- par elle, mais non plus pour elle, la joueront en | la
- flattant ; ainsi substitués sans qu’elle y ait rien gagné, aux