Cette page n’a pas encore été corrigée
- sous divers aspects, et produire du moins indirectement
50
- des effets opposés, je choisis le lieu, le tems, toutes ces
- convenances et tous ces accessoires dont le détail importe
- tant à qui le sait pénétrer ; je jouis doublement du bien,
- soit en l’assimilant davantage à mes besoins, soit en écartant
- ce qui pourroit l’altérer, et faisant servir à mon avantage
55
- jusqu’au mal même qu’il cachoit à un œil non
- exercé.
- Si un romancier nous peint son héros parcourant vingt
- contrées, essayant de tout ce qu’elles offrent de séduisant
[175]
- et enivré de plaisirs, | inépuisables si l’on veut, mais
60
- toujours variés et rapides, il ne pourra qu’enflammer notre
- imagination ; il ne touchera pas notre cœur et n’aura fait
- que nous amuser. Mais qu’il chante la félicité pastorale [S 1],
- les goûts constans, les occupations uniformes et leurs
- plaisirs aussi invariables que simples et vrais, alors il nous
- ↑
- En se gardant bien de cette affectation sentimentale, que
- l’on appelle du sentiment, parce qu’en effet on la met par-tout à
- sa place, mais que l’on nommeroit mieux Sentimanie.
- L’habitude des sensations vives, inconstantes et efféminées
- devoit introduire, surtout parmi nous, ce misérable jargon,
- supplément des sensations mâles et profondes, qui n’appartiennent
- qu’à l’homme d’une vaste sensibilité. La vaine apparence d’un
- bien est souvent plus pénible que son absence même. L’on
- découvre avec dégoût un singe caché sous le masque humain ; et
- l’homme sensible doit préférer à l’homme sentimental l’homme
- indifférent et farouche.
- 52. qui sait le pénétrer – 54. et en faisant – 55-6. cachoit à des yeux plus jeunes – 57-8. Le romancier dont le héros toujours avide de plaisirs variés, parcourt vingt contrées, en essayant – 58-63. séduisant, peut enflammer l’imagination, mais à peine il amuse le cœur. Celui qui nous intéresse puissamment et qui éveille en nous de profonds regrets, c’est celui qui évitant les fadeurs si communes dans les anecdotes champêtres et dans les idylles, sait peindre les véritables mœurs pastorales, les désirs fixes, les goûts – 63-8. uniformes, les plaisirs invariables et simples. Si l’ame a conservé quelque chose de primitif, elle trouve un repos atta-