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convenances réelles, fait évanouir | cette multitude de
maux que la crainte, l’espoir, le regret et toutes les erreurs
d’une imagination trompée enfantent à chacune de nos
heures. Cette inquiétude vague et indéterminée ; cette
activité qui nous fatiguoit et qu’excitoit encore notre

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propre épuisement ; ce desir avide et passionné que la
moindre séduction embrasoit, que nulle jouissance ne
pouvoit éteindre, et qui sans autre besoin que de brûler
toujours, dévoroit le cœur qui l’avoit conçu ; ce feu
indompté se calme et se perd dans le sentiment profond

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de la vanité et de l’instabilité de toutes choses.
En commandant aux sensations, la philosophie n’apprend
point à les détruire [S 1] ; mais elle donne le pouvoir
de les choisir, et elle fournit pour ce choix les meilleures
données possibles à une foible intelligence. En nous délivrant

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des alarmes de l’imaginaire, elle nous apprend à
jouir de l’effectif ; en nous instruisant de ce qui convient
à notre nature, elle nous prescrit de vouloir et d’agir :
  1. Elle prouve invinciblement la folie de ces fanatiques d’une
    fausse sagesse, qui, pour perfectionner leur être, s’efforcent
    d’annuller leur vie.

    – proportions réelles, fait disparaître une multitude de maux qui étoient reproduits à chaque heure par la crainte, par l’espoir et le regret, par toutes – 147-52. imagination agitée. L’inquiétude que notre épuisement même excite encore, ce désir vague dont la moindre séduction peut susciter l’avidité, que nulle jouissance ne sauroit éteindre – 152. autre effet – 153. dévore – qui l’a – 153-62. feu passionné, comment le calmer si ce n’est dans une froide estimation des choses toutes également rapprochées de nous ? Plaçons-les sous le niveau infini, au bord de l’abîme : nous les y verrons, avec indifférence, tomber successivement ; nous y descendons nous-mêmes. *La sagesse commande aux sensations, mais elle n’a point pour objet de les détruire : elle rend assez libre pour qu’on les choisisse, et elle règle ce choix par des données aussi justes qu’une foible intelligence puisse en espérer. Elle cherche à nous délivrer de ce qui est imaginaire, afin que nous nous occupions de ce qui est effectif : puisqu’elle nous instruit de ce qui convient réellement à notre nature, —