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et fait battre mon cœur. La crainte me force de cacher ce secret que je confie à ta discrétion et à ta fidélité. Hélas ! quel est ce malheur que m’annoncent les ombres des morts, et que signifie ce sang de mon époux que j’ai vu couler ?

LA NOURRICE.

Toutes les images qui ont exercé dans le jour la vigoureuse activité de l’esprit, une force mystérieuse et cachée les ranime à l’heure du repos. Endormie dans les bras de votre nouvel époux, comment vous étonnez-vous d’avoir vu en songe un mari, une chambre nuptiale, un bûcher ? Vous vous effrayez aussi de ces dames romaines qui, les cheveux en désordre, se frappaient le sein : ce sont les amies d’Octavie qui pleurent son divorce dans le palais de son frère, et au pied de ses pénates sacrés. Ce flambeau dont la main d’Agrippine vous poursuivait, vous présage un nom que l’envie même rendra plus célèbre. Les enfers promettent à votre hymen et à votre maison une éternelle durée. Ce glaive, plongé par Néron dans le sein de votre époux, signifie qu’il ne fera point de guerres, mais que, sous son règne, la paix tiendra l’épée dans le fourreau. Reprenez donc vos esprits et votre joie ; bannissez vos terreurs, et rentrez dans votre chambre nuptiale.

POPPÉE.

Non, je veux aller au temple, me prosterner au pied des saints autels, et apaiser les dieux par des sacrifices, pour conjurer les songes menaçants de cette nuit cruelle, et en tourner les présages terribles contre mes ennemis. Toi, viens faire des vœux pour moi, et leur adres-