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même ne peut briser son joug ; il pénètre au sein des flots, triomphe aux enfers, et force les dieux à descendre de l’Olympe.

SÉNÈQUE.

C’est l’ignorance humaine qui a fait de l’Amour un dieu terrible, qui a mis des flèches dans ses mains, avec un arc redoutable, et une torche cruelle ; qui l’a fait naître de Vénus et de Vulcain. L’amour n’est qu’un vif penchant de l’âme, une douce flamme du cœur ; la jeunesse le fait éclore ; le luxe, l’oisiveté l’entretiennent au sein de l’opulence. Cessez de le nourrir et de le fortifier, il tombe de lui-même, comme un feu sans aliment perd ses forces et ne tarde pas à s’éteindre.

NÉRON.

L’Amour, source de volupté, me paraît, à moi, le principe même de la vie : sa douce puissance donne à l’homme une existence immortelle par l’enfantement successif des générations humaines, et adoucit les animaux les plus sauvages. C’est ce dieu qui doit allumer pour moi les flambeaux de l’hymen, et, par son feu céleste, faire monter Poppée dans ma couche.

SÉNÈQUE.

Les Romains ne verraient pas sans douleur cette union, et la vertu la condamne.

NÉRON.

Il est permis à tous de prendre une épouse, et moi seul je ne le pourrais pas ?

SÉNÈQUE.

Une position plus haute impose aussi des devoirs plus étroits.