Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/319

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

core, il jouit de la lumière du ciel, et voit le jour que souille sa présence !

O souverain des dieux ! pourquoi de tes mains divines lancer au hasard des foudres perdues ? pourquoi n’en frappes-tu pas une tête si coupable ? Plût au ciel qu’il eût déjà porté la peine de ses crimes, ce Néron, ce fils de Domitius dont il fait un dieu, ce tyran du monde asservi à son joug honteux, cet héritier d’Auguste dont il déshonore le beau nom par ses vices !

LA NOURRICE.

J’avoue qu’il ne mérite pas l’honneur de votre couche ; mais conformez-vous, de grâce, à votre destinée et à votre position, chère princesse. N’irritez pas sa violence : peut-être un dieu propice vous vengera, peut-être un jour heureux luira pour vous.

OCTAVIE.

Non, depuis longtemps la colère des dieux s’est appesantie sur notre maison. La cruelle Vénus lui a porté le premier coup en allumant dans les veines de ma mère une ardeur furieuse. Dans l’égarement d’un fol amour, elle osa former publiquement un hymen incestueux, oubliant ses enfants, son époux et nos lois. Erinnys vint, les cheveux en désordre, et ceinte de serpents, présider à cette union funeste, et noyer dans son sang les torches nuptiales ; c’est elle qui porta la colère de l’empereur jusqu’au meurtre cruel qu’il ordonna ; ma mère infortunée périt, hélas ! par le glaive, et me légua en moulant une impérissable douleur. Elle entraîna dans sa ruine son époux et son fils, et précipita notre malheureuse famille.