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il ne la remplit pas tout entière. Qu’il pèse peu à mon bras, celui pour qui le ciel tout entier ne fut qu’un léger fardeau !

Autrefois tu descendis chez les Mânes et dans le royaume de Pluton pour en revenir : remonteras-tu encore des rives du Styx ? Je ne demande pas que tu reviennes chargé de dépouilles, ni que Thésée te doive la vie une seconde fois : mais reviendras-tu au moins tout seul ? Le poids du monde enchaînera-t-il ton ombre dans les enfers, et le chien des morts t’empêchera-t-il d’en sortir ? Quand forceras-tu les portes du Tartare ? ou par quel chemin descendrai-je, moi, vers la mort ? Tu ne reviendras point par la route qui te mène au séjour des Mânes. Mais pourquoi perdre le temps en de vaines plaintes ? pourquoi prolonger ma vie misérable ? pourquoi rester encore sur la terre ? puis-je donner à Jupiter un autre Hercule, et naîtra-t-il de moi un semblable héros ? Heureux, trop heureux Amphitryon ! tu es descendu chez les morts quand ton fils était encore dans sa force ; et quand il t’a vu, l’enfer peut-être a tremblé, parce que tu passais pour le père d’Hercule. Mais moi, où trouver un asile pour ma vieillesse ? je serai en butte à la haine des tyrans, si toutefois mon fils en a laissé vivre. Hélas ! malheureuse, tous ceux qui ont à pleurer sur un père immolé par Hercule, se vengeront sur moi, et s’uniront pour m’accabler. Si Busiris a laissé quelque enfant, si quelque fils d’Antée répand la terreur parmi les peuples d’Afrique, ils me prendront pour victime : si quelque héritier du roi de la Thrace veut venger son père ; je serai la pâture de ses cruels chevaux ; peut-être