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Philoctète

Il s’est étendu tranquillement sur le bûcher, puis, élevant ses yeux pour voir si son père ne le regardait pas de quelque point du ciel, il tendit ses bras et dit : « De quelque partie du céleste séjour que les yeux descendent sur ton fils, ô mon père, que le monde chercha en vain tout un jour pendant les deux nuits de ma naissance, tu vois que le couchant et l’aurore, les plages glacées de la Scythie et les climats que le soleil brûle de ses feux, sont tous remplis de ma gloire, que la terre jouit d’une profonde paix, que les peuples ne sont plus dans les larmes, que le sang humain ne coule plus sur des autels impies, et qu’il ne reste plus de crimes à punir ; reçois donc, je t’en prie, mon âme dans le ciel. Ce n’est pas que l’enfer m’épouvante, ni que je redoute le sombre empire du Jupiter souterrain : mais j’ai honte, ô mon père ! de descendre comme une ombre vulgaire chez ces dieux que j’ai vaincus. Dissipe les nuages qui obscurcissent la face du ciel, pour que ses habitants puissent contempler Alcide au milieu des flammes. Ne me refuse pas l’entrée de l’Olympe, car je saurai te contraindre à me l’accorder. Si la douleur m’arrache un cri, plonge-moi dans le Tartare, et dans l’empire de la mort : mets-moi d’avance à l’épreuve, ce jour fera voir si je mérite le ciel. Ce que j’ai fait jusqu’ici n’est que peu de chose ; voici le moment qui doit glorifier Alcide ou le condamner. » Puis il ajoute : « Que Junon voie comment je supporterai les flammes. » Il demande alors que le bûcher s’allume.

« Courage, dit-il, ô toi le compagnon d Hercule !