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ou, si ton bras se refuse à me rendre ce funeste service, délivre les Titans de la montagne de Sicile qui pèse sur eux, et déchaîne-les contre moi, afin qu’ils m’accablent, sous le poids du Pinde ou de l’Ossa.

Que Bellone brise la barrière du Tartare, et vienne sur moi le fer en main : arme contre moi le cruel dieu des combats ; il est mon frère, mais il est fils de ma jalouse marâtre. Et toi aussi, Pallas, qui n’es ma sœur que de père, frappe-moi de ta lance : j’étends vers toi mes mains suppliantes ! O Junon ! lance du moins un trait contre moi ; je puis mourir de la main d’une femme. Déjà fatiguée, déjà rassasiée de mes souffrances, pourquoi nourrir encore ta haine ? que cherches-tu au delà ? tu vois Hercule suppliant, lui que nulle contrée, nulle bête féroce n’a vu réclamer ton assistance. Mais aujourd’hui c’est de ta haine que j’ai besoin ; et ta haine me manque, ton ressentiment s’apaise ; tu me pardonnes, quand je ne forme plus d’autre vœu que la mort.

O terre ! ô villes ! n’y a-t-il personne pour donner à Hercule une arme ou une torche allumée ? On me dérobe tout moyen de destruction. Ayez pitié de moi, et que la terre n’enfante plus de monstres après mon trépas ; que l’univers n’ait jamais besoin de mon bras ; s’il doit naître encore d’autres fléaux, qu’ils se hâtent de paraître : mais vous, hommes, accablez-moi de pierres, et triomphez ainsi de mes souffrances.

Monde ingrat, tu m’abandonnes, tu m’as oublié : sans moi tu serais encore la proie des fléaux et des monstres. Peuples, délivrez votre vengeur de ses tour-