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en ce moment. Ma mort compromettra la sûreté de ton empire : préviens ce malheur, et avant qu’on ne te le ravisse, ensevelis-moi sous les ruines du monde : brise le ciel dont on va te déposséder.

Le Chœur

Vos craintes ne sont point vaines, fils de Jupiter ; dans peu nous reverrons le Pélion sur l’Ossa de Thessalie ; et l’Athos, monté sur le Pinde, élèvera jusqu’aux astres les forêts qui le couronnent. Typhée soulèvera les roches qui l’accablent, et rejettera loin de lui la pesante Inarime : Encelade, vainement frappé de la foudre, soulèvera les forges de l’Etna, et ouvrira les flancs de cette montagne en la brisant. La ruine du ciel va suivre votre mort.

Hercule

Moi qui, échappé des gouffres de l’enfer et vainqueur du Styx, ai traversé les flots du Léthé, chargé de dépouilles, et emmenant Cerbère dont l’aspect affreux manqua renverser le Soleil de son char ; moi, dont les trois empires des dieux ont senti la puissance, je meurs ; et cependant aucune épée n’a traversé mon flanc ; une roche ne m’a pas frappé ; aucun quartier de montagne, l’Othrys tout entier n’est point tombé sur moi. Ce n’est point l’effroyable Gygès qui m’ensevelit sous la masse énorme du Pinde : je meurs sans combat ; et ce qui est le plus cruel tourment pour mon courage malheureux, le dernier jour d’Alcide n’est signalé par la mort d’aucun monstre ; je meurs, hélas ! et cette vie que je perds n’est le prix d’aucun exploit. Maître du monde,