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rien à craindre après elles. Hélas ! malheureuses, nous avons vu Hercule irrité contre nous.

Iole

Pour moi, infortunée, ce ne sont point nos temples écroulés sur leurs dieux, ni nos palais détruits que je déplore, ni les fils mêlés aux pères, les hommes confondus avec les dieux, les temples avec les tombeaux dans un commun embrasement. Ces malheurs publics ne sont point le sujet de ma douleur. D’autres peines font couler mes larmes, et mon destin me force à pleurer sur d’autres ruines. Par où commencer ? par où finir ? Je veux déplorer tous mes maux à la fois ; mais la nature ne m’a donné qu’une poitrine, et ce n’est pas assez pour me frapper comme le demandent mes malheurs. Dieux, faites de moi une statue qui pleure sur le mont Sipyle, ou posez-moi sur les bords de l’Eridan, plaintive et gémissante avec les sœurs de Phaéton ; jetez-moi dans la mer de Sicile, où, sirène de Thessalie, je ferai entendre mes tristes plaintes ; ou emportez-moi dans les forêts de la Thrace, pour y gémir comme Philomèle, qui se lamente sous les ombrages d’Ismare. Donnez-moi une forme appropriée à ma douleur, et que l’âpre Trachine retentisse de mes cris. Myrrha la Cyprienne verse toujours des larmes ; Alcyone pleure toujours son cher Céyx ; la fille de Tantale se survit à elle-même dans sa douleur ; Philomèle fuit encore le visage de l’homme, et redemande par ses cris plaintifs le fils qu’elle a perdu. Pourquoi mes bras ne se couvrent-ils pas de plumes légères ! Heureuse, ah ! trop heureuse quand les bois deviendront mon séjour ; quand solitaire dans les cam-