combien ils passent vite ! La vache ne fait entendre ses mugissements qu’un ou deux jours ; la cavale ne continue pas longtemps ses courses vagues et insensées. Quand la bête féroce a bien couru sur la trace de ses petits et rôdé par toute la forêt, et qu’elle est maintes fois revenue au gîte pillé par le chasseur, sa douleur furieuse est prompte à s’éteindre. L’oiseau, qui voltige avec des cris étourdissants autour de son nid dévasté, en un moment redevient calme et reprend son vol ordinaire. Il n’est point d’animaux qui regrettent longtemps leurs petits ; l’homme seul aime à nourrir sa douleur, et s’afflige, non en raison de ce qu’il éprouve, mais selon qu’il a pris parti de s’affliger. Ce qui prouve qu’il n’est pas naturel de succomber à ces douloureuses séparations, c’est qu’elles sont plus sensibles à la femme qu’à l’homme, plus aux barbares qu’aux peuples de mœurs douces et civilisées, plus aux ignorants qu’aux esprits éclairés. Or, tout principe fort par sa nature, l’est toujours et dans tous les cas.
Il est donc évident que des effets si variables ne partent pas d’une même cause. Le feu brûlera qui que ce soit à tout âge et en tout pays, les hommes comme les femmes ; le fer aura partout la propriété de trancher : pourquoi ? parce qu’il la tient de la nature, qui ne fait exception de personne. Mais le chagrin, la pauvreté, l’ambition, chacun les ressent différemment, selon qu’il est plus ou moins influencé par l’opinion ; et la faiblesse, l’impatience, nous viennent d’avoir cru terrible ce qui ne l’est pas.
VIII. De plus, les affections naturelles ne décroissent pas par le temps ; mais le temps mine la douleur. Elle a beau se