Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/91

Cette page n’a pas encore été corrigée

honnête et licite comme messéant à votre infortune, haïr la lumière, maudire votre âge qui ne vous précipite pas assez vite au tombeau, enfin, par une faiblesse des plus indignes et qui répugne trop à vos sentiments plus noblement connus, ce serait faire voir que vous ne pouvez plus vivre, et que vous n’osez mourir.

Mais si vous prenez pour modèle la courageuse Livie, vous porterez dans le malheur plus d’égalité d’âme et de calme, vous ne vous consumerez pas de mille tourments. Car, au nom du ciel, quelle démence de se punir de ses misères, de les aggraver par un mal nouveau ! Cette sévérité de principes, cette réserve qui fut la règle de toute votre vie, vous y serez fidèle encore aujourd’hui ; car la douleur aussi a sa réserve. Vous assurerez à votre fils le bienheureux repos, si vous songez et répétez sans cesse combien il en est digne : vous le placerez dans une sphère meilleure, si son image, comme autrefois sa personne, se présente à sa mère sous les traits du bonheur et de la sérénité !

IV. Je ne vous appelle pas à cette rigide école qui fait une loi de s’armer, dans des malheurs humains, d’une dureté inhumaine, qui veut qu’une mère ait les yeux secs le jour même des funérailles d’un fils. Prenez-moi seulement pour arbitre avec vous. Examinons ensemble si vos regrets doivent être excessifs, s’ils doivent ne cesser jamais. Ici, je n’en doute pas, vous préférerez l’exemple de Livie que vous avez familièrement fréquentée. Sa haute sagesse vous ouvre ses conseils : dans la première ferveur de son deuil, quand l’affliction est le plus impatiente et rebelle, Livie s’abandonna aux consolations