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haité pouvoir dès le principe venir à votre aide. Un moindre remède eût suffi pour dompter le mal naissant : invétéré maintenant, il veut des moyens plus énergiques. Et n’en est-il pas ainsi des plaies du corps qui se guérissent sans peine quand le sang a fraîchement coulé : on peut alors employer le feu, sonder bien avant ; elles souffrent le doigt qui les interroge ; mais une fois corrompues, envieillies, dégénérées en ulcères funestes, la cure devient plus difficile. Il n’est ménagements ni palliatifs qui puissent désormais réduire une douleur aussi envenimée que la vôtre : le fer doit la trancher.

II. Je sais que toute consolation commence par des préceptes pour finir par des exemples : mais il est bon parfois que cette marche soit intervertie. La méthode doit varier selon les esprits ; il en est qui cèdent à la raison ; les autres ont besoin de grands noms, d’autorités irrésistibles qui leur imposent et les éblouissent. Pour vous, Marcia, je mettrai sous vos yeux deux notables exemples de votre sexe et de votre époque : une femme qui s’est livrée à tout l’entraînement de sa douleur ; une autre femme qui, frappée d’un semblable coup, mais d’une perte plus cruelle, ne laissa pas toutefois au malheur un long pouvoir sur son âme, et sut bien vite la rétablir dans son assiette. Je parle d’Octavie et de Livie, l’une sœur, l’autre épouse d’Auguste : toutes deux ont vu périr un fils à la fleur de l’âge, et en même temps l’espoir légitime qu’il régnerait un jour. Octavie perdit Marcellus, gendre et neveu d’un prince qui déjà se reposait sur lui, qui partageait avec lui le fardeau de l’empire. Jeunesse, activité d’esprit, vigueur de talents, rehaussée par une tempérance, par une retenue de mœurs si