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et le commerce de ses concitoyens, n’assista pas aux obsèques de cette sœur, ne lui rendit pas les derniers devoirs mais retiré à sa maison d’Albe, chercha dans les dés, dans les cases d’une table de jeu et autres distractions pareilles, le soulagement du plus cruel chagrin. O honte du rang suprême ! un empereur romain pleure une sœur, et ce sont les dés qui le consolent ! Ce même Caïus, dans tous les caprices du délire, tantôt laisse croître sa barbe et ses cheveux, tantôt parcourt en égaré les rivages d’Italie et de Sicile, n’étant jamais bien sûr s’il veut, pour Drusilla, des pleurs ou des autels : car, en même temps qu’il lui voue des temples et les honneurs divins, il frappe des plus cruels châtiments quiconque ne montre pas assez d’affliction. On le voit aussi impatient sous les coups de la mauvaise fortune, qu’il était dans la prospérité gonflé d’un orgueil plus qu’humain. Toute âme romaine répudiera l’exemple d’un insensé qui oublie son deuil dans des jeux hors de saison, ou qui l’aigrit encore par une négligence et par une malpropreté repoussantes, ou qui se console en barbare par le mal d’autrui. Quant à Polybe, il n’a rien dans sa conduite qu’il lui faille changer. Il s’est de bonne heure passionné pour ces études qui relèvent si bien le prix de la prospérité, qui allégent si aisément l’infortune, qui font le plus bel ornement comme la plus douce consolation de l’homme.

XXXVII. Plongez-vous donc davantage encore dans vos études chéries ; c’est maintenant qu’il faut vous en faire comme un rempart où la douleur ne trouve aucune brèche pour s’introduire jusqu’à votre âme. La mémoire de votre frère demande