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fut rompue par la mort ? des trois Pompées, à qui le cruel destin n’a pas laissé le bonheur de tomber sous le même coup ? Sextus Pompée eut d’abord le chagrin de survivre à sa sœur dont la mort brisa les liens si solidement formés de la paix publique. Il survécut encore à ce digne frère, que la fortune n’avait tant élevé que pour le précipiter d’aussi haut que son père ; et après cette nouvelle épreuve, il put suffire, non seulement à sa douleur, mais aux soins de la guerre.

« Partout s’offrent d’innombrables exemples de frères séparés par la mort, ou plutôt à peine un seul couple fraternel a-t-il été vu vieillissant ensemble ; mais ne sortons pas de la maison impériale. Où est l’homme assez dépourvu de sens et de raison pour se plaindre que la fortune lui inflige quelque deuil, quand il saura qu’elle a eu soif des larmes même des Césars ? Auguste a pleuré Octavie sa sœur, si chèrement aimée, et la nature n’a pas fait remise de ce tribut de larmes a l’homme auquel elle destinait le ciel. Et que dis-je ? accablé de tous les genres de deuil, il a vu périr le fils de sa sœur préparé par lui à lui succéder ; il a, pour tout comprendre en deux mots, vu périr ses gendres, ses fils adoptifs, ses neveux ; et nul de tous les mortels ne sentit plus que lui qu’il était homme, tant qu’il demeura chez les hommes. Cependant tant de coups terribles n’excédèrent pas les forces de cette âme qui suffisait à tout, et, vainqueur des nations étrangères, le divin Auguste sut encore vaincre ses douleurs.

« C. César, fils adoptif et petit-fils d’Auguste mon oncle, au sortir de l’adolescence, perdit son frère chéri Lucius, prince de