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la violence ; mais le calme que la raison procure est durable. Je ne vous indiquerai donc pas les moyens auxquels, je le sais, on a souvent recours ; je ne vous exhorterai pas à vous distraire et à vous amuser par des voyages agréables ou prolongés, à donner beaucoup de temps à la révision de vos comptes et à l’administration de vos biens, à vous jeter sans cesse dans de nouvelles affaires. Ce ne sont là que des remèdes momentanés, ou plutôt ce ne sont pas des soulagements, mais des embarras. J’aime mieux mettre un terme à l’affliction, que de lui donner le change. Voilà pourquoi je vous conduis dans l’unique asile ouvert à ceux qui fuient les coups du destin, dans le sanctuaire de la philosophie. C’est elle qui guérira votre blessure, qui vous arrachera entièrement à vos regrets. Quand vous ne seriez nullement habituée à cette étude, il faudrait y recourir aujourd’hui. Mais, autant que vous l’a permis l’antique sévérité de mon père, vous avez, sinon approfondi, du moins effleuré toutes les sublimes connaissances. Plût au ciel que, moins attaché aux usages de ses ancêtres, ce père, le meilleur des époux, n’eût pas borné à une légère teinture votre étude de la philosophie ; vous ne chercheriez pas maintenant des armes contre la fortune ; vous feriez usage des vôtres. L’exemple des femmes, pour qui les lettres sont un moyen de corruption plutôt que de sagesse, força mon père à modérer votre passion pour l’étude ; cependant, grâce à votre rare aptitude, vous avez plus appris que les circonstances ne semblaient le permettre. Votre esprit est imbu des principes de toutes les sciences. Revenez maintenant vers elles ; elles feront votre sûreté, votre consolation, votre joie. Si elles ont véritablement pénétré dans votre âme, l’accès en sera désormais interdit à la