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brandit ses armes, un trait part lancé de ma main. Fin railleur, tu te fais un jeu de menacer ma tête en tes mordants hémistiches, et tes sarcasmes distillent de noirs poisons. Mais toi, que dis-tu dans ta joie, dans l’orgie ? Que t’importent mes pleurs, pourvu que tu donnes cours à tes railleries ? Mets donc fin à de tels jeux d’esprit : la plaisanterie ne consiste pas dans la méchanceté, et les railleries qui blessent n’ont jamais droit de plaire.

VI
A UN AMI.

Crispe, ô vous mon appui, l’ancre de ma détresse ; Crispe, qu’on eût admiré dans l’antique barreau ; Crispe, vous qui n’usâtes jamais de la puissance que pour rendre service ; vous qui êtes pour moi, dans mon naufrage, un rivage, un port assuré ; vous mon unique gloire, vous mon rempart inexpugnable, et maintenant la consolation de mon cœur affligé ; Crispe, dont le dévouement et l’austère vertu rendent le calme à mon âme apaisée ; vous dont la bouche distille le doux miel de l’Attique ; vous la plus belle gloire d’un père et d’un aïeul éloquents ; vous qui manqueriez seul à celui qui gémit dans l’exil : est-il donc vrai que vers moi, qui me meurs attaché