Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/371

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

AVANT-PROPROS


La collection Panckouke donne, dans les œuvres de Sénèque, sa correspondance avec saint Paul. Nous n’avons pas cru devoir reproduire cette correspondance, car nous la regardons comme entièrement apocryphe. Ceux même qui croient au christianisme de Sénèque ne peuvent guère soutenir l’authenticité de son prétendu commerce épistolaire avec l’apôtre. Il suffit, en effet, de jeter les yeux sur ces Lettres pour reconnaître, à l’instant même, qu’elles ne peuvent être que l’œuvre d’un écrivain de la plus basse latinité et du plus vulgaire esprit. L’antiquité chrétienne n’y croyait pas ; saint Jérôme, le premier et le seul des Pères qui parle de cette correspondance, se sert de cette expression fort dubitative : Quæ feruntur, que l’on dit être de Sénèque et de Paul ; c’est cependant sur ce mot que l’on voudrait appuyer la certitude de ces Lettres. Il en est de même du prétendu christianisme de Sénèque. Sur quoi se fonde-t-il ? sur ce mot de Tertullien : Seneca noster. Oui, Sénèque est quelquefois chrétien de pensée ; il est chrétien, quand il s’élève contre les séductions des spectacles, contre les cruautés du cirque ; quand il réclame en faveur des esclaves ; quand il tourne en ridicule les superstitions romaines ; quand il s’élève contre l’exposition des enfants ; quand il prêche la réforme des mœurs ; quand, indigné des excès du luxe et de la coquetterie, il se plaint dans des termes que Tertullien reproduira presque littéralement : « qu’une seule femme porte à ses oreilles le patrimoine de plusieurs familles. » Par tous ces côtés, Sénèque appartient au christianisme, et Tertullien peut le revendiquer. Mais est-il chrétien, quand il prêche le suicide ; quand il fait de son sage un être supérieur à Dieu ; quand, après l’a-