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moyens mêmes que l’on employait pour l’assaillir : c’est que le grand jour et les épreuves lui conviennent ; nul ne comprend mieux combien elle est grande, que ceux qui ont senti ses forces en la provoquant. La dureté du caillou n’est mieux connue de personne que de ceux qui le frappent. Je me présente comme un rocher, qui dans une mer semée d’écueils est laissé à découvert : les flots, de quelque côté qu’ils soient mis en mouvement, ne cessent de le battre ; mais cela ne fait pas qu’ils le déplacent, ou que par leurs attaques répétées pendant tant de siècles ils le détruisent. Donnez l’assaut, hâtez le choc : en vous supportant, je serai vainqueur. Contre les choses qui sont fermes et insurmontables, tout ce qui vient s’y attaquer n’emploie sa force qu’à son détriment. Ainsi donc, cherchez quelque matière molle et de nature à céder, où puissent vos traits insérer leur pointe. Mais, avez-vous bien le temps de fouiller dans les misères d’autrui, et de porter des jugements sur qui que ce soit ? Pourquoi ce philosophe est-il logé au large ? pourquoi soupe-t-il magnifiquement ? Vous remarquez des rougeurs sur la peau des autres, tout couverts que vous êtes d’ulcères. On dirait quelqu’un qui, dévoré d’une lèpre hideuse, plaisanterait sur les taches et les verrues des corps les plus beaux. Reprochez à Platon d’avoir recherché l’argent ; à Aristote, d’en avoir reçu ; à Démocrite, d’en avoir fait peu de cas ; à Épicure, de l’avoir dissipé ; à moi-même, reprochez-moi sans cesse Alcibiade et Phèdre. O vous en vérité, vous serez au comble du bonheur, dès qu’il vous aura été donné d’imiter nos vices ! Que ne jetez-vous plutôt les yeux autour de vous, sur vos propres maux, qui de