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qui ignore s’il est assis, pensez-vous qu’il puisse mieux savoir s’il vit, s’il voit, s’il est en repos ? Je ne saurais dire s’il mérite plus de pitié pour être capable d’une telle ignorance, que pour l’affecter.

(8) Car si ces gens-là oublient réellement bien des choses, ils feignent aussi d’en oublier beaucoup. Certains vices les charment comme la preuve d’une situation brillante. Il n’appartient qu’à un homme obscur et méprisable de savoir ce qu’il fait. Allez maintenant dire que nos mimes chargent le tableau, quand ils tournent en ridicule les excès de notre luxe : à coup sûr ils en oublient beaucoup plus qu’ils n’en inventent. Oui, dans ce siècle ingénieux seulement pour le mal, les vices, chaque jour plus nombreux, ont pris un essor si incroyable, que l’on devrait plutôt accuser nos mimes d’en affaiblir la peinture. Quoi ! il existe un homme tellement énervé par les plaisirs, qu’il ait besoin d’apprendre d’un autre s’il est assis !

(9) Un tel homme n’est point oisif : il faut lui donner un autre nom, il est malade ; bien plus, il est mort. Celui-là est oisif, qui a le sentiment de son oisiveté ; mais l’homme qui a besoin d’un autre pour connaître la position de son corps, comment pourrait-il être le maître de quelque portion de son temps ?

Chapitre XIII.

(1) Il serait trop long de parler de ceux qui ont passé toute leur vie à jouer aux échecs, à la paume, ou à exposer leur corps aux ardeurs d’un soleil brûlant. Ils ne sont point oisifs, ceux à qui les plaisirs donnent beaucoup d’affaires. Personne ne doute que ceux qui s’appliquent à d’inutiles études littéraires, ne se donnent beaucoup de peine pour ne rien faire : le nombre en est déjà assez grand chez nous autres Romains.

(2) C’était la maladie des Grecs de chercher quel était le nombre des