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sérieuses, dans des circonstances tristes, ils font entendre un léger fredonnement ? Ces gens-là ne sont pas oisifs, mais inutilement occupés.

(5) Et certes je ne regarderai pas leurs festins comme des moments de repos, quand je vois avec quelle sollicitude ils rangent leur vaisselle ; quelle importance ils mettent à ce que les tuniques de leurs échansons soient relevées avec grâce ; combien ils sont inquiets sur la manière dont un sanglier sortira des mains d’un cuisinier ; avec quelle célérité leurs esclaves bien épilés savent, au signal donné, s’acquitter de leurs services divers ; avec quel art la volaille est découpée en menus morceaux ; avec quel soin de malheureux esclaves font disparaître les dégoûtantes sécrétions des convives ! C’est ainsi qu’on se fait une réputation de magnificence et de délicatesse. Les vices de ces gens-là les accompagnent si constamment dans tous les moments de leur vie, qu’ils mettent même dans le boire et dans le manger une ambitieuse vanité.

(6) Vous ne compterez pas sans doute, parmi les oisifs, ces hommes, lâches et mous qui se font promener de côté et d’autre en chaise et en litière, et qui, pour se faire porter ainsi, comme si l’obligation en était indispensable, ne manquent jamais l’heure marquée ; qui ont besoin qu’on les avertisse du moment où ils doivent se laver, aller au bain ou souper ? Si profonde est la mollesse où languit leur âme, qu’ils ne peuvent savoir par eux-mêmes s’ils ont appétit.

(7) J’ai ouï dire, qu’un de ces voluptueux (si toutefois on peut nommer volupté ce complet oubli de la manière de vivre qui convient à l’homme), au moment où plusieurs bras l’enlevaient du bain et le plaçaient sur un siège, demanda : « Suis-je assis ? » Et cet homme,