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incertitude.

Aussi cette sentence sortie comme un oracle de la bouche d’un grand poëte me paraît-elle incontestable :

Nous ne vivons que la moindre partie

Du temps de notre vie ;

car tout le reste de sa durée n’est point de la vie, mais du temps.

(3) Les vices nous entourent et nous pressent de tous côtés : ils ne nous permettent ni de nous relever, ni de reporter nos yeux vers la contemplation de la vérité ; ils nous tiennent plongés abîmés dans la fange des passions. Il ne nous est jamais permis de revenir à nous, même lorsque le hasard nous amène quelque relâche. Nous flottons comme sur une mer profonde, où, même après le vent, on sent encore le roulis des vagues ; et jamais à la tourmente de nos passions on ne voit succéder le calme.

(4) Vous croyez que je ne parle que de ceux dont chacun publie les misères, mais considérez ces heureux du jour, autour desquels la foule se presse ; leurs biens les étouffent. Combien d’hommes que l’opulence accable ; combien d’autres pour cette éloquence, qui dans une lutte de chaque jour les force à déployer leur génie, ont épuisé leur poitrine ; combien sont pâles de leurs continuelles débauches ; que de grands à qui le peuple des clients toujours autour d’eux empressé ne laisse aucune liberté ! Enfin parcourez tous les rangs de la société, depuis les plus humbles jusqu’aux plus élevés : l’un réclame votre appui en justice, l’autre vous y assiste ; celui-ci voit sa vie en péril, celui-là le défend, cet autre est juge : nul ne s’appartient ; chacun se consume contre un autre. Informez-vous