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moyens contradictoires de l’accusé et de ceux de l’accusation, Auguste demanda que chacun écrivît son opinion, de crainte que l’avis de César ne passât tout d’une voix. Avant la lecture des suffrages, il jura qu’il n’accepterait jamais la succession d’Arius, dont la fortune était considérable.

On dira peut-être qu’il y avait de la pusillanimité dans cette crainte de paraître aspirer à l’héritage du père par la condamnation du fils. Je ne partage pas cet avis. Sans doute, s’il se fût agi de l’un de nous, le témoignage de sa conscience aurait suffi pour le rassurer contre les interprétations malveillantes ; mais les princes doivent faire beaucoup pour l’opipion publique. Auguste jura de ne point accepter la succession. Ainsi Àrius perdit ce même jour deux héritiers ; mais l’empereur acheta la liberté de son suffrage ; et après avoir prouvé, ce qu’un prince doit toujours avoir à cœur, que sa sévérité était désintéressée, il opina en ces termes : « Que le fils soit exilé dans le lieu qui sera désigné par le père. » Il ne vota ni pour le supplice du sac et des serpents, ni pour la prison : songeant non à celui qu’il jugeait, mais à celui dans le consëil duquel il siégeait, il dit que le père devait se contenter de ce châtiment léger, envers un (ils qui avait été excité au crime, et qui, dans cette tentative, avait montré une timidité voisine de l’innocence ; qu’il suffisait de l’éloigner de Rome et des yeux de son père. »

XVI. O prince vraiment digne d’être appelé au conseil des pères, et digne d’être institué par eux héritier conjointement avec des fils innocents ! Telle est la clémence qui convient au prince, celle qui consiste à tout adoucir dans les lieux où il