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qu’elle fût appelée un honneur qu’une dépouille. 11 dut à cette clémence son salut et sa sécurité ; elle le rendit aimable et cher à son peuple, quoique la république ne fût pas encore façonnée au joug lorsque ses mains avaient saisi les rênes du gouvernement. Voilà ce qui aujourd’hui lui vaut une renommée dont les princes jouissent rarement de leur vivant. Si nous croyons qu’il est dieu, ce n’est pas par obéissance. Nous reconnaissons qu’Auguste fut un bon prince, et qu’il mérita le nom de Père de la patrie, parce que les paroles offensantes, qui souvent blessent les princes plus que les actions coupables, n’excitèrent jamais sa rigueur ; parce que les mots piquants dont il fut l’objet ne firent qu’exciter son sourire ; parce que loin de faire exécuter les sentences de mort prononcées contre les complices des désordres de sa fille, il les relégua dans des lieux où il y avait sûreté pour leurs personnes, et leur remit des ordres écrits pour s’y faire conduire. Ah ! c’est là véritablement pardonner. Un prince qui sait que tant d’hommes sont prêts à s’irriter pour lui, à rechercher sa faveur en versant le sang, et qui ne se borne pas à donner la vie, mais veut encore la garantir !

XI. Tel fut Auguste dans sa vieillesse, ou du moins dans le déclin de son âge. Dans sa jeunesse, il fut ardent, emporté, coupable de plusieurs actions sur lesquelles il ne reportait ses regards qu’avec un sentiment pénible. Personne n’osera comparer la clémence d’Auguste à la vôtre, lors même que ce seraient ses derniers temps qu’on mettrait en parallèle avec vos jeunes années. Qu’il ait été modéré et clément, je l’accorde ; mais ce fut après avoir soijjffé de sang romain les flots d’Actium, après avoir brisé sur les rivages de la Sicile ses flottes et