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grands, soit un destin et un enchaînement immuable de causes liées entre elles ; cet agent souverain n’a voulu nous laisser dépendre des autres que pour les choses les plus abjectes. Ce que l’homme a de plus excellent est au-dessus de la puissance humaine ; il ne peut être ni donné ni ravi : je parle de ce monde, le plus grand, le plus magnifique ouvrage de la nature, de cette âme, qui, faite pour contempler, pour admirer l’univers, dont elle est la plus noble partie, nous appartient en propre et pour toujours, et doit subsister avec nous aussi longtemps que nous subsisterons nous-mêmes. Marchons donc gaîment, d’un pas ferme et la tête levée, partout où il plaira à la fortune de nous envoyer.

IX. Parcourons tous les pays ; en est-il un seul dans l’univers entier qui soit étranger à l’homme ? Sur tous les points de la terre c’est de la même distance que nos regards se dirigent vers les cieux ; partout le séjour des humains est séparé par le même intervalle de la demeure des immortels. Pourvu donc que mes yeux ne soient pas privés de ce spectacle dont ils ne peuvent se rassasier ; pourvu que je puisse contempler la lune et le soleil, observer les autres astres, suivre leur lever, leur coucher, leurs distances, rechercher les causes de leur accélération et de leur ralentissement, admirer pendant la nuit ces milliers d’étoiles brillantes, les unes fixes, les autres s’écartant à une distance peu considérable, et roulant dans la même orbite ; les autres s’élançant tout à coup, d’autres paraissant tomber en éblouissant les yeux par une longue traînée de flammes, ou s’envolant rapidement avec un long sillon de lumière ; pourvu que je vive au milieu de ces