Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/225

Cette page n’a pas encore été corrigée

rence extérieure, tandis que l’autre, subtile et imperceptible, ignore même dans quel organe elle a son siège ? Cependant les mains, les pieds, les yeux, concourent à la servir : c’est par elle que notre pensée enveloppe notre corps ; c’est par son ordrt que nous nous livrons au repos ou à l’agitation. Que ce maître commande : aussitôt, s’il est avare, nous parcourons les mers pour acquérir des richesses ; s’il est avide de gloire, nous livrons notre main à la flamme, ou nous nous précipitons volontairement dans un gouffre. De même cette multitude immense, groupée autour d’une seule âme, est gouvernée par son souffle et modérée par sa raison, tandis qu’elle serait écrasée et brisée par ses propres forces, si elle cessait d’avoir pour appui la sagesse de son chef.

IV. Ainsi c’est l’amour de leur propre conservation qui fait agir les peuples, lorsque, pour un seul homme, dix légions se rangent en bataille ; lorsqu’on s’élance au premier rang, lorsqu’on présente sa poitrine aux blessures, pour empêcher que les drapeaux de son empereur ne reçoivent un affront ; car il est le lien par lequel le faisceau de l’État demeure uni ; le souffle vital par lequel sont animés tant de milliers d’hommes, qui ne seraient qu’un fardeau pour eux-mêmes et une proie pour l’ennemi, si cette âme du gouvernement venait à disparaître.

Tandis qu’il est vivant, tout suit la même loi ;
Est-il mort ? ce n’est plus que discorde civile.

Un tel malheur détruirait sans retour la paix de l’empire, et ferait tomber en ruines la puissance du peuple romain, de cette grande nation. 11 sera à l’abri d’un tel danger tant qu’il saura supporter le frein ; si jamais ille brise, ou si, après en avoir été