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naissent de la possession de ce qu’on n’osait espérer. Cependant vos concitoyens sont forcés de convenir qu’ils sont heureux, et qu’il ne leur reste à souhaiter que la perpétuité de leur bonheur. De nombreux Thotifs leur arrachent cet aveu, le plus pénible de tous pour les hommes : la sécurité profonde et complète dont ils jouissent, leurs droits placés hors de toute atteinte. Tous les yeux contemplent cette heureuse forme de gouvernement, qui laisse à la société toute la liberté dont elle peut jouir sans se détruire elle-même. Mais ce qui a surtout pénétré dans les premières comme dans les dernières classes, c’est l’admiration qu’excite votre clémence. Eu effet, chacun, selon sa situation et sa fortune, ressent ou désire plus ou moins vivement les autres bienfaits des princes ; mais tous placent également leur espoir dans la clémence. Oui, personne ne se repose assez sur sqfc.innocence pour ne se pas féliciter d’avoir en perspective ta clémence prête à venir au secours des erreurs humaines.

II. Je le sais, il est des esprits qui considèrent la clémence comme le soutien des méchants, parce qu’elle serait superflue si elle n’était précédée du crime, et que c’est la seule vertu qui soit sans application entre les gens de bien. Mais d’abord de même que la médecine, qui ne sert qu’aux malades, est néanmoins en honneur près de ceux qui jouissent de la santé, de même la clémence, bien qu’elle ne soit ordinairement invoquée que par les criminels, est révérée par les hommes irréprochables. En second lieu, elle peut quelquefois s’exercer, même en faveur des innocents, quand il arrive que le malheur est réputé crime ; disons plus : la clémence vient au secours* non-seulement de l’innocence, mais encore de la vertu, lors-