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éprouvé par le feu, et le courage par les revers. Voyez à quelle hauteur la vertu doit s’élever ; vous comprendrez qu’elle ne peut pas choisir un chemin sans péril.

Un chemin escarpé commence ma carrière.
Mes coursiers rafraîchis, sortant de la barrière,
Ne gravissent qu’à peine à la cime des airs.
Là, tout dieu que je suis, du haut de l’univers
Je ne puis sans effroi voir l’abîme du vide.
Enfin de mon déclin la pente est si rapide,
Que Téthys qui, le soir, me reçoit dans ses eaux,
Tremble d’y voir rouler mon char et mes chevaux.

A ce discours, le généreux jeune homme répond : « Cette route n’a rien qui m’effraie ; je monte ; l’entreprise est assez belle, dussé-je-y périr. » Son père continue à tâcher de l’intimider :

Je veux qu’en ton chemin nulle erreur ne t’égare ;
Oseras-tu braver plus d’un monstre barbare ?
Les cornes du Taureau, la gueule du Lion,
Et l’arc du Sagittaire ?

« Tout ce que vous dites pour m’arrêter excite mon courage ; j’aimerai à me tenir sur ce char, où Phébus lui-même tressaille de crainte. Qu’une âme basse et lâche prenne les sentiers battus ; la vertu s’élance sur les hauteurs. »

VI. « Cependant pourquoi Dieu souffre-t-il qu’il arrive mal aux gens de bien ? » Non, il ne le souffre pas ; il a éloigné d’eux tous les maux, c’est-à-dire les crimes, les infamies, les mauvaises pensées, les desseins ambitieux, la passion effrénée, l’a-