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des cercles d’oisifs. La même chose arrive dans la république du monde : les gens de bien travaillent, se sacrifient, sont sacrifiés, et cela sans contrainte ; ils ne se font point traîner par la fortune, ils la suivent d’un pas égal ; ils seraient même allés au-devant d’elle, s’ils avaient connu ses intentions.

Je me rappelle encore ces paroles énergiques du magnanime Demétrius : « Dieux immortels, disait-il, je n’ai qu’une plainte à faire de vous, c’est de ne m’avoir pas annoncé votre volonté plus tôt ; j’aurais prévenu vos ordres, je ne puis à présent qu’y obéir. Voulez-vous mes enfants ? c’est pour vous que je les ai élevés. Voulez-vous quelque partie de mon corps ? choisissez. Ce n’est pas un effort bien généreux ; dans un moment, il me faudra quitter ce corps tout* entier. Voulez-vous ma vie ? je ne balance pas à vous rendre ce que vous m’avez donné. Quoi que vous demandiez, je vous l’abandonne sans regret. Oui ; mais j’aurais mieux aimé vous l’offrir, que de vous le laisser prendre. Qu’était-il besoin de l’enlever ? vous pouviez le recevoir. Cependant, vous ne m’enlevez rien ; on ne ravit qu’à celui qui veut retenir. Moi, je ne souffre ni contrainte, ni violence ; Dieu ne m’opprime pas, je suis d’accord avec lui, d’autant mieux que je n’ignore pas que tous les événements sont réglés par une loi infaillible, éternelle. » Les destins nous conduisent, et la durée dé notre carrière est fixée dès la première heure de notre naissance. Les causes s’enchaînent et un long ordre de choses détermine le sort des hommes comme celui des états.

Il faut donc tout souffrir avec courage ; ce ne sont pas des accidents, comme nous le croyons, c’est notre destinée. Les causes de nos plaisirs et de nos peines sont déterminées long-