Venons à Regulus. Quel mal lui a fait la fortune en le rendant un exemple de bonne foi, un exemple d’une constance héroïque ? Ses membres sont percés de clous ; de quelque côté qu’il tourne son corps fatigué, il pèse sur une blessure ; une insomnie continuelle tient ses paupières ouvertes. Plus grande est la torture, plus sublime sera la gloire. Voulez-vous être sûr qu’il ne se repent pas d’avoir mis ce prix à la vertu ? ressuscitez-le, envoyez-le dans le sénat : il y ouvrira le même avis.
Trouvez-vous donc plus heureux Mécène en proie aux tourments de l’amour, désolé par les froideurs d’une femme capricieuse ? Il cherche à rappeler le sommeil par la douce harmonie d’un concert un peu éloigné. Il a beau recourir au vin pour s’assoupir, au bruit des chutes d’eau pour se distraire, à mille autres voluptés pour tromper son chagrin, il demeurera éveillé sur la plume, comme Regulus sur des pointes déchirantes. Mais Regulus a une consolation ; c’est qu’il endure le supplice pour la vertu ; il oublie ses tortures pour n’en considérer que la cause. Au lieu que Mécène, flétri par la débauche, fatigué par l’excès de son bonheur, est encore plus misérable par la cause de ses souffrances que par ses souffrances mêmes.
Le vice n’est pas encore assez maître du monde pour qu’il soit douteux que, s’ils avaient la faculté de choisir leur destinée, le plus grand nombre des hommes n’aimât mieux ressembler à Regulus qu’à Mécène ; ou si quelqu’un osait préférer le sort de ce dernier, il préférerait aussi, quoiqu’il ne le dit pas, le sort de Terentia.
Plaignez-vous Socrate pour avoir avalé la coupe que lui