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que le bien nuise aux bons. Il y a entre Dieu et les gens de bien une amitié dont le lien est la vertu. Que dis-je, une amitié ! c’est plutôt une affinité, une ressemblance. L’homme de bien ne diffère de Dieu que par la durée ; il est son disciple, son imitateur, son véritable fils. Mais cet auguste père ; inflexible sur la pratique des vertus, élève rudement ses enfants ; c’est un chef de famille sévère.

Lors donc que vous verrez des hommes vertueux et agréables à la Divinité, peiner, suer, gravir des sentiers escarpés, tandis que les méchants nagent au sein des délices et de la volupté, songez qu’on aime la modestie dans ses enfants, la licence dans ceux des esclaves ; on assujettit les premiers à une discipline austère, et l’on provoque la pétulance des seconds. Ainsi Dieu n’élève pas l’homme de bien dans la mollesse : il l’éprouve, il l’endurcit, il le prépare pour lui-même.

II. Mais pourquoi les gens de bien souffrent-ils tant d’adversités ? Il n’y a pas de maux pour les gens de bien : les contraires ne peuvent s’assembler. De même que tous ces fleuves, toutes ces pluies qu’épanchent les cieux, toutes ces eaux qui viennent du sein de la terre dans la mer, n’en peuvent point changer la saveur, ni même l’affaiblir ; ainsi le choc de l’adversité n’altère pas une âme courageuse : elle reste inébranlable, elle imprime aux événements sa couleur ; car elle est plus puissante que tout ce qui vient du dehors. Je ne veux pas dire qu’elle y soit insensible ; mais elle en triomphe ; dans son calme et sa tranquillité, elle résiste et reste supérieure à l’effort de l’ennemi. Les calamités ne sont pour elle qu’un exercice. Quel est l’homme au cœur élevé, généreux, qui