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Elles étouffent, elles offusquent et souillent son intelligence, la détournent du vrai, son domaine, et la plongent dans le faux : toutes ses luttes sont contre cette chair qui lui pèse, qui voudrait comprimer, paralyser son essor vers sa première patrie, où, loin du chaos et de la nuit, l’attendent l’éternelle paix et le spectacle de la pure lumière.

XXV. Ce n’est donc pas au tombeau de votre fils qu’il vous faut courir. Là ne gît qu’une grossière et gênante dépouille, des cendres, des ossements, qui n’étaient pas plus lui que ses autres vêtements extérieurs. Sans rien perdre, rien laisser de lui, il a fui cette terre, il s’est envolé tout entier ; et, après avoir quelque temps séjourné sur nos têtes pour se purifier des vices inhérents à toute vie mortelle, et se laver de leur longue souillure, il est monté au plus haut des cieux où il plane entre les âmes fortunées, admis dans la société sainte des Scipion, des Caton, de ces contempteurs de la vie, qui durent au trépas leur affranchissement. Là, quoique tous ne soient qu’une même famille, votre père surtout s’unit intimement à votre fils ; il développe à ses jeux, ravis d’une clarté nouvelle, la marche des astres qui l’avoisinent, et se plait à l’initier à tous les secrets de la nature, non plus par des conjectures vaines, mais par des révélations puisées à la source du vrai. C’est l’hôte qui montre à l’étranger, curieux et charmé, les merveilles d’une ville inconnue ; c’est l’aïeul qui révèle au petit-fils les causes des phénomènes célestes. Leurs regards aiment encore à s’abaisser sur la terre : ils prennent plaisir à contempler du haut de leur gloire ce qu’ils ont quitté. Ah ! songez dans toutes vos actions que vous êtes sous les yeux d’un père et d’un fils, non tels que vous les connûtes, mais