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célèbres sur les moyens d’adoucir et de calmer les chagrins, je n’y trouvais pas l’exemple d’un homme qui eût consolé sa famille, lorsque lui-même était pour elle un sujet de deuil. Ainsi, je flottais incertain dans cette situation toute nouvelle, tremblant d’ulcérer encore votre âme, au lieu d’y verser un baume consolateur. Je dirai plus, il fallait renoncer à tous ces lieux communs, journellement mis en usage pour apaiser les souffrances ; il fallait des expressions neuves à un homme qui, pour raffermir les siens, soulevait sa tête du fond même de son tombeau. Eh ! n’est-il pas naturel que, poussée à son dernier période, l’affliction nous ôte le choix des paroles, puisque souvent elle va même jusqu’à étouffer la voix ? Néanmoins je m’efforcerai de vous consoler, non par une vaine confiance en mes talents, mais parce que je puis être pour vous la consolation la plus efficace. O vous ! qui ne sûtes jamais rien refuser à votre fils, j’ose me flatter, quelle que soit l’opiniâtreté habituelle de la douleur, que vous lui permettrez d’imposer un terme à vos regrets.

II. Voyez combien je présume de votre bonté : je suis certain d’avoir sur vous plus d’ascendant que la douleur, qui exerce sur les malheureux un si fatal empire. Ainsi, loin d’entrer brusquement en lutte avec elle, je commencerai par me ranger de son parti, je lui fournirai des aliments ; je l’étalerai tout entière, je rouvrirai toutes ses cicatrices. « Étrange manière de consoler, direz-vous, que de réveiller des chagrins morts dans notre souvenir, et de placer l’âme en présence de toutes ses infortunes, quand une seule ne suffit que trop à son courage ! » Mais songez que des maux assez dangereux pour s’accroître en dépit des remèdes, se guérissent par