« Instruit de ce qui peut t’attirer, de ce qui peut te retenir, embarque-toi ou garde le rivage. » Après de tels avertissements, si cet homme persistait à dire : Je veux aller à Syracuse, de qui pourrait-il légitimement se plaindre sinon de lui-même, lui qui aurait donné dans le piège, non par ignorance, mais le sachant et le voulant bien ?
La nature de même dit à tous : « Je ne veux tromper personne. Qui me demande une postérité pourra l’avoir belle, comme il pourra l’avoir difforme. Et s’il vous naît beaucoup de rejetons, il peut se trouver, dans le nombre, un sauveur de la patrie tout comme l’infâme qui la trahira. Ne désespérez pas d’avoir un fils assez honorable un jour, pour qu’à sa considération le cri de la haine vous respecte ; mais songez aussi que peut- être ses turpitudes feront de son nom seul une injure. Il n’est pas impossible que vous receviez de lui les derniers devoirs et les éloges de la tombe ; soyez prêt pourtant à le placer vous-mêmes sur le bûcher ou dans son enfance, ou dans sa jeunesse, ou dans son âge mûr. Car que font ici les années ? Point de funérailles qui ne soient prématurées, dès qu’une mère y assiste. Mes conditions vous sont connues d’avance ; si vous devenez pères, vous m’absolvez de tout reproche : je ne vous ai rien garanti ».
XVIII. Appliquons cette similitude à la vie entière et à l’entrée qu’on y fait. Vous délibériez si vous iriez voir Syracuse : je vous ai exposé les charmes et les désagréments de l’entreprise. Supposez qu’aux portes de la vie vous me demandiez les mêmes conseils : vous allez naître dans la cité commune des dieux et des mortels, qui embrasse l’universalité des choses,