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philosophes, en effet, ne nous entretenaient pas de leur vie, à eux, mais de celle qu’il faut se proposer. C’est de la vertu, non de moi que je parle : et quand je fais la guerre aux vices, je la fais avant tout aux miens ; quand j’en aurai le pouvoir, je vivrai comme je le dois. Et la malveillance aura beau tremper à loisir ses traits dans le fiel, elle ne me detournera pas du mieux ; ce venin que vous distillez sur les autres, et qui vous tue, ne m’empêchera pas d’applaudir sans relâche à des principes que je ne suis pas, sans doute, mais que je sais qu’il faudrait suivre ; ne m’empêchera pas d’adorer la vertu et, bien qu’à un long intervalle, d’aller me traînant sur sa trace. J’attendrai, n’est-ce pas, que cette malveillance apprenne à respecter quelque chose, quand rien ne fut sacré pour elle, ni Rutilius, ni Caton ? Comment aussi ne leur paraîtrait-on pas trop riche, à ceux qui ne jugent pas Démétrius le cynique assez pauvre ? Cet homme si énergique, qui lutta contre tous les désirs naturels, plus pauvre que tous ceux de son école, puisque à la loi qu’ils s’imposaient de ne rien avoir, il a joint celle de ne rien demander, n’est point, selon eux, assez dénué de tout. Car,